Je reproduis ci-après quelques articles du Monde qui vous permettront de vous constituer un dossier de presse sur la question, et complèteront mon propos. Bonne lecture!
Kosovo : une longue lutte jusqu'à l'indépendance
LE MONDE 18.02.08 15h05 • Mis à jour le 18.02.08 15h05
LE MONDE 18.02.08 15h05 • Mis à jour le 18.02.08 15h05
A quand remonte la lutte pour l'indépendance des Albanais du Kosovo ? A 1878, lorsque la Ligue de Prizren prôna l'unification administrative des terres albanaises ? A 1974, lorsque s'affirmèrent les voix demandant en vain que la province de Serbie soit élevée au rang de République dans la Yougoslavie de Tito ? A moins que le déclencheur ne remonte aux manifestations étudiantes du printemps 1981 ?
Catégoriel à l'origine, le mouvement de 1981 avait pris une tournure politique axée sur la revendication du statut de République. La répression policière fut brutale : 11 morts selon Belgrade, 400 d'après Amnesty International, plus de 1 000 selon les Albanais. "Le traumatisme fut énorme", note Jean-Arnault Dérens dans Le Piège du Kosovo (Editions Non Lieu, 2008). "Pour les Albanais (...), l'Etat yougoslave a perdu sa légitimité en raison de la violence qu'il a déployée, et devient un ennemi, une puissance occupante", souligne-t-il.
Ni le militantisme clandestin de la cause nationale albanaise, ni la réaction policière, qui s'accentue nettement après l'accession de Slobodan Milosevic au pouvoir en Serbie à la fin des années 1980, ne s'arrêteront plus. Les grèves des mineurs albanais de Trepca en janvier 1989, suivies de manifestations, sont elles aussi réprimées dans le sang. L'onde de choc atteint les autres républiques yougoslaves.
L'homme fort de Belgrade a compris le profit à tirer, politiquement, du mécontentement des 10 % de Kosovars serbes, persuadés que les Albanais cherchent à les chasser. Deux nationalismes s'affrontent. Pourtant, après l'annulation de l'autonomie du Kosovo par M. Milosevic, le 23 février 1989, ce sont la Slovénie, la Croatie, puis la Bosnie-Herzégovine qui s'embrasent (1991-1995). Le Kosovo, lui, s'enfonce dans ce que les Albanais décrivent comme un "régime d'apartheid".
Un homme émerge alors, symbole de la lutte indépendantiste : Ibrahim Rugova (1944-2006). Ce pacifiste devient en 1989 président de la Ligue démocratique du Kosovo (LDK), et domine la vie politique albanaise durant la décennie 1990. L'indépendance de la "République de Kosovë (...) dans le cadre de la Fédération yougoslave" est déclarée le 7 septembre 1990, et la LDK s'emploie à construire une société parallèle.
TRAGIQUE BILAN
Après les accords de Dayton (1995), qui mettent un terme à la guerre de Bosnie, quatre des six ex-républiques yougoslaves sont indépendantes, tandis que le Kosovo reste sous la botte de Belgrade. La frustration monte chez les jeunes Kosovars albanais.
La première apparition publique, le 28 novembre 1997, de l'Armée de libération du Kosovo (UCK), est un échec pour la LDK. L'UCK s'enhardit l'année suivante, "libère" des zones entières du Kosovo. La réaction serbe est immédiate. Au nom de la lutte contre le "terrorisme", des villages sont détruits, des populations civiles jetées sur les routes. Cette escalade mobilise la communauté internationale. Le 24 mars 1999, après l'échec du sommet de Rambouillet, l'OTAN commence à bombarder la Serbie. Le 9 juin, Slobodan Milosevic jette l'éponge. Le bilan est tragique. Les forces serbes ont, pendant la guerre de l'OTAN, tué environ 10 000 Kosovars albanais, et en ont expulsé près d'un million dans les pays voisins. L'armée serbe quitte la province en laissant 400 charniers derrière elle. Une administration onusienne - la Minuk - est chargée de gérer le Kosovo meurtri, où l'UCK parade.
Quinze mois plus tard, Slobodan Milosevic perd le pouvoir à Belgrade, au profit d'une coalition démocratique qui rompt avec les violences passées mais n'accepte pas pour autant la perte du Kosovo. D'autant que le souffle de la vengeance albanaise s'est abattu sur les Kosovars serbes, chassés par dizaines de milliers hors du Kosovo.
La résolution 1244 de l'ONU de juin 1999 avait doté le Kosovo d'une "autonomie substantielle" au sein de la Serbie. C'était trop peu pour les Albanais, qui pensaient que la capitulation serbe signifiait l'indépendance. Huit ans plus tard, après une ultime tentative de médiation de l'ex-président finlandais Martti Ahtisaari, qui constate l'incompatibilité des positions serbe - "plus que l'autonomie mais moins que l'indépendance" - et albanaise, l'heure est venue. Soutenu par les Etats-Unis et une majorité d'Etats européens, le Kosovo déclare, le 17 février, hors du cadre de l'ONU, son indépendance.
Les défis du Kosovo indépendant, par Christophe Châtelot
LE MONDE 22.02.08 13h21 • Mis à jour le 22.02.08 13h21
LE MONDE 22.02.08 13h21 • Mis à jour le 22.02.08 13h21
L'indépendance du Kosovo, proclamée le 17 février à Pristina, clôt un chapitre de l'histoire marqué au fer de la haine et de guerres, de décennies d'oppression et de dizaines de milliers de morts. Ce jour historique ne fait pas table rase du passé même si l'on peut espérer des lendemains plus pacifiques. Il ne résout pas davantage tous les défis d'avenir que doivent relever les dirigeants kosovars et l'Union européenne, chargée de superviser les premiers pas de ce pays nouveau-né sur la scène mondiale : chômage endémique, corruption, trafics en tout genre, tensions intercommunautaires.
Ce pays enclavé entre la Serbie, la Macédoine, l'Albanie et le Monténégro, doté d'un réseau d'infrastructures calamiteux, est l'une des régions les plus pauvres d'Europe. En 2006, selon le Fonds monétaire international, son produit national brut (PNB) ne dépassait pas les 1 500 dollars (1 017 euros) par habitant. Le chiffre est peut-être sous-évalué. Mais en l'absence de données fiables, c'est comparable à la Moldavie (2 200 dollars) et largement inférieur à la Macédoine voisine (8 400 dollars) ou à la Bulgarie (11 800 dollars).
Faute du moindre tissu industriel ou presque, la richesse nationale (3,4 milliards de dollars en 2006) résulte pour un tiers des transferts d'argent envoyés par la diaspora ou les travailleurs émigrés, ainsi que de l'aide internationale. L'essentiel de l'économie s'appuie sur les secteurs de la construction et des services de base (transport, restauration...). Quant aux exportations, elles se résument principalement à la vente de ferrailles. Personne n'a vu, non plus, de cohortes d'investisseurs étrangers piétinant à la frontière. Un des seuls projets, certes d'envergure, est la construction d'une nouvelle centrale électrique marchant au lignite, une des rares ressources naturelles du pays ; quand elle sera en service, pas avant 2012, le Kosovo pourrait exporter de l'énergie vers ses voisins, déficitaires en ce domaine.
La principale richesse de ce pays de quelque 2 millions d'habitants, Albanais pour 90 % d'entre eux, est la jeunesse de sa main-d'oeuvre. Un Kosovar sur deux a moins de 27 ans. Ce peut être une source de dynamisme et d'imagination pour le développement. Mais c'est une jeunesse qui a commencé à étudier dans les caves des maisons faisant office de salles de cours dans le réseau d'éducation parallèle, déconnecté de la Serbie, mis en place par les Albanais du Kosovo au début des années 1990. Lorsque le régime de Slobodan Milosevic séparait les écoliers serbes des Albanais et renvoyait leurs parents des institutions publiques.
Aujourd'hui, l'université de Pristina n'est toujours pas réputée dans le monde pour son excellence. Et si les dirigeants kosovars et la communauté internationale sont conscients de l'urgence à investir massivement dans l'éducation, ils en connaissent le prix élevé et savent que l'on ne touche les dividendes qu'à long terme. En attendant, il faut se rappeler que les jeunes émeutiers kosovars albanais de mars 2004 étaient, certes, nourris par les haines intercommunautaires et l'impatience de gagner l'indépendance. Mais ils étaient aussi mus par un profond ressort social : pauvreté, chômage massif (au moins 40 % de la population active), sentiment d'enfermement, avenir incertain... S'ils ne veulent pas nourrir les ressentiments, les pays développés qui ont reconnu le nouvel Etat seraient bien avisés d'ouvrir leurs frontières à la main-d'oeuvre kosovare, peu qualifiée, et d'offrir des bourses d'études.
Car le Kosovo affiche un déficit inquiétant d'élites économiques et politiques. C'est notamment pour cette raison que le plan du médiateur de l'ONU, l'ancien président finlandais, Martti Ahtisaari, préconisait en mars 2007, une indépendance sous supervision internationale. Or il ne s'agit plus uniquement aujourd'hui d'empêcher la destruction du patrimoine historique de l'Eglise orthodoxe serbe ou de protéger les propriétés et la vie des civils de la vengeance ou des convoitises albanaises. Il s'agit de construire un Etat viable.
Ce n'est pas la Serbie, puissance régionale perçue comme colonialiste par ses voisins balkaniques et elle-même confrontée à une transition économique douloureuse, qui lui facilitera la tâche. Au contraire, Belgrade menace de prendre des mesures de rétorsions au moins économiques contre cet Etat "illégal" qu'elle jure de ne jamais reconnaître. Elle feint de penser qu'elle pourrait un jour récupérer ces 15 % de son territoire, berceau de son Eglise et haut lieu d'histoire où ne vivent plus actuellement que 120 000 Serbes. La Serbie entend d'ailleurs continuer à entretenir ses propres structures de pouvoir parallèle (éducation, système social et de santé, justice...) dans les enclaves où vivent ses nationaux.
Reste le soutien de la mission civile européenne de quelque 2 000 personnes que l'Union européenne (UE) s'apprête à déployer au Kosovo pour encadrer l'indépendance. Sans parler de la difficulté que cette mission aura à s'installer dans le nord serbe, de Mitrovica, sa tâche s'annonce compliquée.
Le bilan de la précédente présence internationale, la Mission internationale des Nations unies au Kosovo (Minuk), qui administre la région depuis la fin de la guerre en juin 1999, constitue un inquiétant précédent. Pour ses nombreux détracteurs, y compris en son sein, l'activité de la Minuk est entachée de gaspillage, de scandales de corruption, de partialité, d'inefficacité à relancer l'économie malgré les dizaines de milliards d'euros dépensés...
La nouvelle mission européenne se concentrera essentiellement sur les affaires de police et de justice, d'où son nom : Eulex Kosovo. Elle comprendra un volet politique pour surveiller l'application des dispositions du plan Ahtisaari (décentralisation, protection des minorités...) qui encadre cette indépendance supervisée. Et un contingent de soldats conduits par l'OTAN - actuellement la KFOR forte de 16 000 hommes - assurera la sécurité militaire. L'Eulex sera-t-elle plus convaincante que la Minuk ? Aura-t-elle la volonté et le pouvoir de faire le ménage dans les ministères, dans une police et une justice, actuellement rongés par la corruption, écrasés sous le poids des allégeances familiales et menacés par la violence des groupes criminels ?
Echouer serait prendre le risque de voir émerger une zone grise au coeur de l'Europe. Et ni les dirigeants kosovars ni la communauté internationale n'ont désormais l'excuse de l'absence de statut pour justifier leurs erreurs.
Heurts à Belgrade après une manifestation de masse contre l'indépendance du Kosovo
LEMONDE.FR avec AP, Reuters, AFP 21.02.08 14h36 • Mis à jour le 21.02.08 21h25
LEMONDE.FR avec AP, Reuters, AFP 21.02.08 14h36 • Mis à jour le 21.02.08 21h25
Quelque 200 000 Serbes hostiles à l'indépendance du Kosovo se sont rassemblés, jeudi 21 février à Belgrade, à l'appel notamment du gouvernement de Vojislav Kostunica et des nationalistes du Parti radical serbe (SRS), première force politique du pays. A l'issue de la manifestation, en fin de journée, des dizaines de jeunes ont fait irruption dans l'ambassade des Etats-Unis, incendié plusieurs salles et arraché le drapeau américain qui flottait le long de la façade, sous les applaudissements de la foule. La police anti-émeute, qui était restée très discrète, est finalement intervenue une demi-heure plus tard, arrêtant plusieurs personnes et faisant évacuer sans ménagement le bâtiment. Des témoins ont vu plusieurs manifestants à terre, en sang.
A la tombée de la nuit, les jeunes casseurs se dirigeaient vers le centre-ville de Belgrade, brisant des vitrines et pillant des magasins. Plusieurs sources ont par ailleurs fait état de l'agression d'un journaliste néerlandais, qui serait légèrement blessé.
Quelques heures plus tôt, les manifestants, brandissant le drapeau national ou des banderoles proclamant l'appartenance du Kosovo à la Serbie, s'étaient regroupés devant le bâtiment du Parlement fédéral. "Tant que nous vivrons, le Kosovo sera serbe", a assuré le premier ministre Kostunica, qui s'adressait à la foule d'une scène immense, recouverte de drapeaux serbes et ornée d'une gigantesque banderole proclamant : "le Kosovo est la Serbie". Dans un message enregistré, le champion de tennis Novak Djokovic a estimé que la Serbie vivait "un des moments les plus difficiles de son histoire". Quant au réalisateur Emir Kosturica, il a comparé les Européens et les Américains à de "petits rongeurs".
MANIFESTANTS RÉSIGNÉS
Selon l'envoyé spécial du Monde à Belgrade, Eric Collier, l'ambiance sur place était à la résignation. "Les manifestants ont beau marteler que le Kosovo restera serbe, ce rassemblement fait partie d'un processus d'acceptation de l'indépendance kosovare", estime M. Collier, qui fait part d'un fort ressentiment de la foule vis-à-vis des ressortissants des pays ayant reconnu l'indépendance de la province, dont fait partie la France. Des protestataires agitaient des drapeaux de l'Espagne et de la Roumanie, deux membres de l'Union européenne qui n'ont pas reconnu le nouvel Etat kosovar. D'autres brandissaient des drapeaux de la Russie, le grand allié slave, qui a soutenu l'opposition de la Serbie à l'indépendance du Kosovo.
Outre la représentation américaine, des heurts se sont produits aux abords des ambassades de pays ayant reconnu cette indépendance, notamment celle de Slovénie, présidente en exercice de l'Union européenne, et les locaux de plusieurs entreprises occidentales ont été les cibles de jets de pierres ou de menaces. A Banja Luka, capitale de la République serbe de Bosnie, plusieurs personnes ont été blessées lors d'une manifestation devant le consulat des Etats-Unis. Plusieurs centaines d'anciens combattants serbes des guerres des Balkans ont brûlé des pneus devant un poste-frontière du Kosovo gardé par la KFOR.
Pour les observateurs locaux, cette journée de protestation pourrait aussi marquer la fin de la coalition au pouvoir. Alors que le camp présidentiel s'est abstenu d'appeler à manifester, les partisans de son premier ministre, Vojislav Kostunica, ont rejoint les nationalistes du Parti radical. Cette nouvelle donne pourrait mener à des élections anticipées.
La Serbie ne renoncera pas à un avenir au sein de l'UE
"La Serbie ne reconnaîtra jamais le Kosovo, elle souhaite préserver son intégrité territoriale, mais ne renoncera pas à son avenir de futur membre de l'Union européenne", a déclaré, jeudi 21 février à Bucarest, le président serbe Boris Tadic. Belgrade va néanmoins "réduire sa collaboration diplomatique avec les pays qui vont reconnaître l'indépendance du Kosovo", a-t-il assuré. M. Tadic a par ailleurs exclu toute option militaire, suite à la déclaration unilatérale de l'indépendance du Kosovo, dimanche. "La Serbie ne mènera pas de guerre, car nous avons une expérience particulièrement pénible liée aux confrontations dans les Balkans." – (Avec AFP.)
"La Serbie ne reconnaîtra jamais le Kosovo, elle souhaite préserver son intégrité territoriale, mais ne renoncera pas à son avenir de futur membre de l'Union européenne", a déclaré, jeudi 21 février à Bucarest, le président serbe Boris Tadic. Belgrade va néanmoins "réduire sa collaboration diplomatique avec les pays qui vont reconnaître l'indépendance du Kosovo", a-t-il assuré. M. Tadic a par ailleurs exclu toute option militaire, suite à la déclaration unilatérale de l'indépendance du Kosovo, dimanche. "La Serbie ne mènera pas de guerre, car nous avons une expérience particulièrement pénible liée aux confrontations dans les Balkans." – (Avec AFP.)
Une souveraineté supervisée
LE MONDE 18.02.08 15h05 • Mis à jour le 18.02.08 15h05
LE MONDE 18.02.08 15h05 • Mis à jour le 18.02.08 15h05
Une des conditions posées par les pays disposés à reconnaître l'indépendance du Kosovo est l'application, par le gouvernement kosovar albanais, du plan présenté en mars 2007 par l'ex-président finlandais Martti Ahtisaari, et qui préconise "une indépendance sous la supervision de la communauté internationale", plan rejeté par la Russie à l'ONU.
Selon ce plan, le nouvel Etat - fortement décentralisé pour protéger les droits de la minorité serbe - disposera de sa Constitution et de ses emblèmes (drapeau, hymne...). Le texte prévoit également le droit du Kosovo de siéger dans les institutions internationales. Disposition qui se heurtera vraisemblablement à l'opposition des Serbes et des Russes de reconnaître l'indépendance et qui pourrait bloquer certaines candidatures.
Par ailleurs, un représentant européen, doté de pouvoirs réels et assisté d'une mission civile de 1 800 hommes (essentiellement des policiers et des juristes), exercera une surveillance du respect des engagements des Kosovars. Enfin, un dispositif militaire international conduit par l'OTAN prendra le relais de la KFOR (déployée depuis 1999), pour une durée indéterminée : "Jusqu'à ce que les institutions du Kosovo, précise le plan Ahtisaari, soient en mesure d'assumer elles-mêmes tout l'éventail des responsabilités en matière de sécurité."
1 commentaire:
je pense que le Kosovo doit rester serbe, c'est une région serbe tout comme, par exemple, l'est la Bretagne pour la France et je crois que si 90% d'albanais venait dans cette région, ils n'auraient aucun droit pour prétendre être chez eux lors qu'ils y ont été accueillis!
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