Une femme réclame le droit de mourir
Article paru dans l'édition du 13.03.08
Assistée de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, Chantal Sébire a sollicité auprès de la justice, mercredi 12 mars, l'autorisation pour son médecin de se procurer un produit létal. Agée de 52 ans, « mangée par la douleur », cette mère de famille souffre d'une maladie rare et incurable. « La loi en France ne permet pas, dans mon cas, de pouvoir décider du moment et des circonstances de mon départ », explique-t-elle au Monde. « C'est moi la seule souffrante, c'est à moi de décider. » Comme Mme Sébire, des malades demandent la révision de la loi Leonetti de 2005 sur la fin de vie, qui permet d'arrêter un traitement au risque de provoquer la mort mais n'autorise pas l'euthanasie active. Les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg ont légalisé l'aide active à mourir.
Chantal Sébire, « littéralement mangée par la douleur », réclame le droit d'anticiper sa mort
Article paru dans l'édition du 13.03.08
Atteinte d'une tumeur incurable au visage, cette femme de 52 ans a sollicité auprès de la justice, mercredi 12 mars, l'autorisation exceptionnelle de se procurer une potion létale
Chantal Sébire, 52 ans, souffre d'un esthésioneuroblastome, une tumeur évolutive des sinus et de la cloison nasale, qui lui déforme cruellement le visage. Cette maladie rarissime et incurable, au très mauvais pronostic vital, lui a fait perdre la vue il y a quelques mois, après le goût et l'odorat. La tumeur prenant des « proportions insupportables », sans rémission possible, Mme Sébire a écrit, le 6 mars, au président de la République, Nicolas Sarkozy, pour lui réclamer le droit de mourir.
Assistée de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), Mme Sébire devait par ailleurs déposer, mercredi 12 mars, une requête exceptionnelle devant le président du tribunal de grande instance de Dijon. Invoquant la Convention européenne des droits de l'homme, qui protège le droit à la liberté et au respect de la vie privée, elle souhaite obtenir de la justice l'autorisation, pour un de ses médecins, de se procurer en pharmacie une potion létale, soit « le traitement nécessaire pour lui permettre de terminer sa vie dans le respect de sa dignité ».
Depuis quand êtes-vous certaine de vouloir mettre fin à vos jours ?
Je le demande vraiment depuis la Toussaint 2007, au moment où j'ai perdu la vue. Mais j'y pense depuis bien plus longtemps, quand j'ai réalisé que je ne pouvais plus rien, et que, quoi que je fasse, je ne pourrais jamais arrêter la tumeur. Il n'y a ni solution chirurgicale ni solution médicamenteuse pour stopper ma maladie, qui évolue toute seule, comme un liseron autour du nerf olfactif. Aujourd'hui, je n'en peux tout simplement plus, ma situation se dégrade de jour en jour, la souffrance est atroce. Je me sens littéralement mangée par la douleur.
Pourquoi avoir décidé d'interpeller les pouvoirs publics pour demander la légalisation de l'euthanasie ?
Ce qui motive ma démarche, c'est l'incurabilité de ma maladie. J'ai rendu publique ma maladie pour faire valoir qu'il y a des gens qui sont dans des souffrances qu'on ne peut pas résoudre. C'est le dernier combat que je peux mener, s'il ne me sert pas directement, qu'il serve au moins à d'autres après moi.
La loi, aujourd'hui en France, ne permet pas, dans mon cas, de pouvoir décider du moment et des circonstances de mon départ. Elle a certes ouvert une voie, en permettant le « laisser mourir », mais n'a pas été au bout de son raisonnement.
Ce que je revendique, c'est que le patient, qui est comme moi en situation d'incurabilité et est encore conscient, puisse décider de sa mort, en accord avec son médecin traitant et après décision d'un comité médical.
Vous vivez chez vous, avec l'assistance d'infirmiers dans le cadre d'une hospitalisation à domicile, et un suivi par votre médecin traitant. Pourquoi ne pas accepter d'être hospitalisée, ce qui pourrait soulager votre douleur ?
Car dans ce cas, je perdrais toute conscience. Ce que la médecine peut me proposer actuellement c'est d'être plongée dans un état comateux ou semi-comateux pour essayer enfin d'abréger ma douleur, avec des antalgiques à haute dose, en tenant compte du fait que je ne supporte pas la morphine.
Je serais donc allongée et alitée, et j'attendrais ainsi la mort. Je refuse cette situation, car elle n'est ni adaptée à mon tempérament ni à ce que je subis.
Je ne veux pas que la société m'oblige à passer par cette étape, c'est une question de dignité. Je ne veux pas me présenter ainsi à mes trois enfants, dont ma petite dernière qui n'a que 12 ans et demi.
C'est moi la seule souffrante, c'est à moi de décider. J'attends déjà la mort au jour le jour, elle peut venir à tout moment, c'est comme une épée de Damoclès. Je réclame simplement le droit de pouvoir l'anticiper.
Que répondez-vous aux opposants à l'euthanasie, qui craignent les dérives potentielles d'une légalisation ?
Que c'est au législateur de s'assurer, dans la formulation de la loi, qu'aucune dérive ne soit possible. En Belgique et aux Pays-Bas, et depuis peu au Luxembourg, cette possibilité laissée aux malades en situation d'incurabilité n'a concerné que très peu de personnes, sans entraîner une augmentation suspecte du nombre de morts.
Il ne s'agit donc bien évidemment pas de faire des euthanasies à tour de bras, ni d'étendre cette possibilité à tous les cas de fin de vie, la plupart des personnes ne demandant nullement la mort. Il ne s'agit nullement de tuer, mais de poser un geste d'amour envers l'humain en souffrance en face de soi, d'accompagner vers ce dernier cap. Nous ne sommes pas des éternels vivants, ni vous ni moi. Je demande simplement que ce calvaire s'arrête.
Propos recueillis par Cécile Prieur
Les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg ont franchi le pas
Article paru dans l'édition du 13.03.08
EN FRANCE, le débat sur l'euthanasie est régulièrement relancé par l'exemple douloureux de patients en situation d'incurabilité, qui réclament le droit de maîtriser leur mort.
Ces personnes demandent la révision de la loi Léonetti sur la fin de vie, qui a abouti à un droit au « laisser mourir ». Selon ce texte, adopté le 22 avril 2005, l'acharnement thérapeutique doit être proscrit. Les médecins sont ainsi autorisés, à la demande du malade, à arrêter les traitements curatifs au risque de provoquer la mort. L'euthanasie active, par injection d'un produit létal, reste en revanche interdite, ainsi que le suicide assisté.
S'il reste bien ancré en France, le tabou de l'euthanasie a déjà sauté dans certains pays européens. Les Pays-Bas, en 2001, et la Belgique, en 2002, ont ainsi légalisé l'aide active à mourir, tout en l'encadrant strictement. Dans les deux pays, les médecins volontaires, sollicités pour une demande d'euthanasie, doivent respecter une liste de critères. Ils doivent notamment s'assurer que le patient a formulé sa demande de façon volontaire, réfléchie et répétée, que ses souffrances sont sans perspectives d'amélioration et insupportables, et qu'au moins un autre médecin indépendant a été consulté. Le respect de ces critères est contrôlé a posteriori par des commissions indépendantes.
En 2005, 1 933 cas d'euthanasie ont ainsi été enregistrés aux Pays-Bas, dont la plupart concernaient des personnes souffrant d'un cancer en phase terminale.
Très récemment, le Luxembourg a aussi franchi le pas, en adoptant, le 20 février, une loi autorisant l'euthanasie, après un débat passionnel qui a divisé le pays. A l'origine de la nouvelle législation, les écologistes et les socialistes ont fait valoir qu'ils souhaitaient mettre fin à l'hypocrisie actuelle : comme d'autres Européens, de nombreux Luxembourgeois se rendent en effet en Suisse pour mourir.
Si elle n'a pas légalisé formellement l'euthanasie, la Suisse dispose d'une des lois les plus libérales en la matière : le suicide assisté n'y est pas punissable tant qu'il n'est pas animé de « motifs égoïstes ». Des associations helvétiques organisent ainsi le droit à mourir de leurs adhérents, l'une d'elles l'ouvrant aux étrangers.
Cécile Prieur
François Fillon et Rachida Dati excluent toute loi sur l'euthanasie active
LEMONDE.FR : Article publié le 13.03.08
"Je considère que la médecine n'est pas là pour administrer des substances létales", a déclaré, jeudi matin, la ministre de la justice.
Le premier ministre et la ministre de la justice se sont déclarés, jeudi 13 mars, opposés à toute législation autorisant l'euthanasie dite active, après la procédure judiciaire engagée par Chantal Sébire, une femme atteinte d'une tumeur incurable, qui demande une aide à mourir.
"Je ne pense pas qu'il faille faire penser aux Français qu'on pourrait par la loi régler dans le détail cette question, qui est la question de la vie, la question de la mort", a dit M. Fillon sur RTL. "Ce débat doit continuer mais je ne peux pas, moi, aujourd'hui, en tant que premier ministre, apporter une réponse péremptoire à une question qui touche au plus profond de nos consciences."
Rachida Dati s'est, elle aussi, dite hostile à une réforme. "A titre personnel, je considère que la médecine n'est pas là pour administrer des substances létales", a-t-elle indiqué sur France Inter.
"CE N'EST PAS NOTRE DROIT"
L'affaire relance un débat ancien qui fut vif en 2003 avec la mort médicalement provoquée de Vincent Humbert, un jeune homme totalement paralysé, muet et aveugle. Pendant la campagne présidentielle, Ségolène Royal s'était prononcée pour une législation qui légaliserait l'aide active à mourir dans les cas extrêmes.
L'avocat de Chantal Sébire, 52 ans, qui souffre depuis près de huit ans d'une tumeur évolutive des sinus et de la cavité nasale qui la défigure et lui provoque d'intenses souffrances, a demandé au président du tribunal de Dijon d'autoriser le médecin de famille à lui administrer une substance mortelle. Selon Rachida Dati, le juge, qui doit statuer mardi prochain, ne pourra que rejeter sa demande. "Ce n'est pas notre droit. Nous avons fondé notre droit, et aussi bien la Convention européenne des droits de l'homme, sur le droit à la vie", a-t-elle dit.
François Fillon et Rachida Dati jugent suffisante la loi Leonetti, adoptée en avril 2005, qui permet l'arrêt des traitements et l'administration massive de médicaments anti-douleur, même s'ils présentent un risque mortel, mais pas la mise à mort de patients agonisants.
mardi 25 mars 2008
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