Réponses aux questions de la fiche de T.D. sur le droit à la vie
Remarques préliminaires :les limites pouvant être apportées aux DH :
Trois grandes limites peuvent être apportées aux DH. Dans, les textes deux limites sont prévues : la dérogation en cas d’état d’urgence, c’est ce que l’on nomme la théorie des circonstances exceptionnelles, et en temps normal, la restriction des droits, inhérente à l’idée que certains droits ne peuvent pas être absolus. Quant à la troisième limite, elle réside dans la possibilité pour les Etats d’émettre ce que l’on appelle une réserve à une Convention.
1. Les dérogations en cas d’état d’urgence ou la théorie des circonstances exceptionnelles :
Les dérogations s’illustrent par la non application temporaire de certains droits, autorisant l’Etat à suspendre certains droits en cas de guerre ou de danger public exceptionnel menaçant la vie de la Nation. Tous les DH ne sont pas concernés par ces dérogations.
Certaines conditions doivent être impérativement remplies :
- L’état d’urgence doit être proclamé
- Les mesures spécifiques dérogeant à un traité doivent être notifiées officiellement aux organisations internationales compétentes et aux autres Etats parties
- L’Etat ne peut déroger aux droits que dans la stricte mesure où la situation l’exige
- La dérogation doit être levée dès que la situation le permet
- Les Etats ne doivent pas déroger à certains droits
Il convient de mettre en valeur certains droits qui doivent être considérés comme intangibles du fait de l’interdiction d’y déroger, ils représentent l’irréductible humain, le patrimoine commun de l’humanité. Apparaît alors ce que nous pouvons appeler le « noyau dur des DH ».
Le noyau dur des droits de l’homme ne serait donc composé que de 4 droits : le droit à la vie, l’interdiction de la torture, l’interdiction de l’esclavage et la non rétroactivité de la loi pénale. Ces droits protègent l’intégrité physique et morale de l’individu et sont les attributs inaliénables de la personne humaine, applicables à tous, partout et dans n’importe quelle circonstance.
Le droit à la reconnaissance de la personnalité juridique et le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion devraient jouir d’une autorité particulière au plan théorique du moins, mais ne peuvent faire partie du noyau dur dès lors que la CEDH ne leur reconnaît pas la qualité de droits intangibles.
2. Les restrictions aux DH en période normale :
La restriction d’un droit se manifeste par son application imparfaite et trouve son fondement dans la nécessité de préserver, en période normale les institutions démocratiques. La restriction aux droits est souvent prévues dans le § 2 d’un droit, une fois que le principe du droit a été posé au §1. Certains droits seulement sont susceptibles de restrictions.
En ce qui concerne les droits susceptibles de restrictions en période normale on retrouve le droit au respect de la vie privée et familiale et le droit à la liberté d’expression, ou encore le droit de manifester sa religion ou ses convictions et le droit de circuler librement.
A titre d’exemple, vous retiendrez que parmi les droits insusceptibles de restrictions en période normale, on trouve (entre autres) le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, le droit à l’instruction, le droit à une justice de qualité.
La CEDH organise 2 types de restrictions : la prévention contre les abus de droits (a un rôle marginal) et la protection de l’ordre public (tient une place fondamentale).
- La prévention des abus de droits et libertés reconnus :
Cette restriction est énoncée à l’article 17 de la CEDH (et 5 du PIDCP et 29a de la CADH) et a pour principe que lorsque l’Etat ou l’individu se prévaut d’un droit dans le but de détruire les DH ou de les limiter au delà de ce qui est prévu l’individu ou l’Etat en question se trouve déchu de ce droit.
Arrive surtout en matière de liberté d’expression : un homme se prévalant de sa liberté d’expression et faisant la promotion du national socialisme, serait déchu de sa liberté d’expression en cela que cette doctrine est totalitaire et incompatible avec la démocratie et les DH.
Cette restriction des droits a surtout pour objectif de protéger contre le danger totalitaire ou fasciste.
- La protection de l’ordre public :
Cette restriction est souvent énoncée au paragraphe 2 d’un article. Cette clause permet à l’Etat de restreindre l’exercice du droit proclamé pour des motifs d’ordre public. La portée d’un droit peut donc devenir très réduite, voire nulle si les modalités de son application sont entièrement abandonnées à la législation interne de l’Etat.
L’ingérence de l’Etat dans un droit proclamé par la CEDH est très réglementée, et fait l’objet d’une jurisprudence abondante de la Cour que nous aurons l’occasion d’étudier lors du TD sur la liberté d’expression et sur le droit à la vie privée et familiale. Cette ingérence de l’Etat dans un droit est subordonnée à 3 conditions : elle doit être prévue par la loi, elle doit viser un but légitime et doit être nécessaire dans une société démocratique. Il est cependant important de noter que l’Etat dispose d’une marge d’appréciation dans la mise en œuvre de ces restrictions, que le juge européen ne contrôle que partiellement.
3. Les réserves :
Au moment de signer ou ratifier un traité, les Etats peuvent faire des déclarations : celles-ci prennent diverses formes : ce peuvent être des « réserves », des « déclarations », des « interprétations » ou « déclarations interprétatives ».
L’article 19 de la Convention de Vienne sur le droit des traités prévoit que les Etats peuvent émettre une résserve à certaines dispositions d’une convention sauf :
- Si la réserve est interdite par le traité
- Si la réserve n’entre pas dans la liste des réserves possibles
- Si la réserve est incompatible avec le but et l’objet du traité
Si le traité ne dit rien sur les réserves, et qu’une réserve est communiquée aux autres Etats parties au traité, ces derniers ont 12 mois pour formuler une objection à une réserve, à compter soit de la date à laquelle ils ont reçu la notification de la réserve soit de la date à laquelle ils ont exprimé leur consentement à être lié par le traité en question, si celle-ci est ultérieure.
Quelle semble être la place du droit à la vie ? Admet-on des exceptions à ce droit, le cas échéant lesquelles ?
Le droit à la vie est le « premier des droits de l‘homme » selon la Cour européenne des DH : il conditionne l’existence de tous les autres. C’est un droit auquel aucune dérogation n’est permise.
Ainsi le principe préconisé par tous les textes protecteurs est le respect de la vie. Ceux-ci énoncent une prohibition de la privation arbitraire de la vie. Une privation arbitraire de la vie peut se comprendre comme la résultante d’une décision qui ne découle pas de l’application d’une règle existante, mais d’une volonté totalement libre, dans un sens péjoratif, on peut considérer que cette décision sera injuste et non conforme à la morale ou encore dénuée de pertinence. Il y a ici plutôt l’idée d’une mort survenue de manière injuste ou infondée.
Sur ce point, la CEDH se distingue des autres textes car elle vient introduire une distinction plus subtile : elle distingue, dans son article 2, l’atteinte intentionnelle au droit à la vie (§1), de l’atteinte non intentionnelle au droit à la vie (§2). Une privation intentionnelle de la vie serait plus précisément animée par une volonté particulière : celle d’ôter la vie, elle procéderait d’une résolution intime, d’un calcul : la mort ne serait donc pas accidentelle. Contrairement à l’hypothèse de la mort infligée non intentionnellement, dont l’intention première de l’individu en cause ne serait pas d’ôter la vie de quelqu’un mais la mort interviendrait en quelques sortes comme une circonstance malheureuse…
En revanche, contrairement à l’interdiction de la torture ou de l’esclavage, il ne s’agit pas d’un droit absolu : il souffre de certaines exceptions.
Les exceptions au droit à la vie sont peu nombreuses : on retrouve dans presque tous les textes :
- La peine de mort (sauf dans la Charte africaine et la Déclaration islamique, mais on trouve dans cette dernière l’expression « sauf sous l’autorité de la Loi », on peut donc penser que la peine de mort peut y être incluse)
- Le recours à la force rendu absolument nécessaire (in CEDH, §2)
- L’autorité de la Loi (dans la déclaration islamique ; remarquez que c’est dans un sens négatif dans la déclaration islamique qu’est fait référence à la loi, alors que dans tous les autres textes, la rédaction en appelle à la loi pour protéger le droit à la vie)
- A celles-ci, il faut ajouter bien sûr le cas où la mort résulterait d’actes de guerre licites.
Le dilemme est le suivant : étant donnée l’importance du droit à la vie, l’euthanasie pourrait-elle admise en droit, au titre du droit à la vie ?
Exposé euthanasie et affaire PRETTY C. Royaume-Uni : quelle est la différence entre le cas de Mme Pretty et par exemple le cas de Vincent Humbert et celui de Mme Sébire ?
Qui est le titulaire du droit à la vie, protégé par les différents textes ? Le titulaire de ce droit est-il précisément défini, quels indices peut-on recueillir?
C’est une question cruciale car en dépendra la question de savoir si l’avortement est licite au regard des DH, de même que nombre de questions en matière de bioéthique : peut-on utiliser des embryons surnuméraires pour effectuer des recherches etc.
On retrouve le plus souvent le terme de « personne » ou de « personne humaine », sauf dans deux textes particuliers : la Charte africaine dispose, après avoir employé le terme de personne humaine, que c’est l’être humain qui est titulaire du droit à la vie. Sur ce point, l’utilisation d’être plutôt que de personne peut laisser une porte ouverte à une protection du droit à la vie de l’embryon, de l’enfant à naître, contrairement à la notion de personne, qui a une connotation juridique plus forte : elle sous entend l’idée de personnalité juridique et n’inclut donc pas forcément l’être à naître. Vous aurez, par ailleurs remarqué que la Déclaration islamique ne désigne pas de titulaire du droit à la vie : c’est la vie humaine elle-même qui est protégée, les termes sont donc on ne peut plus imprécis. De plus, ce texte, de par sa rédaction, témoigne d’un fort attachement au droit à la vie puisqu’il dispose qu’il s’agit d’un droit sacré.
On peut par ailleurs, trouver des indices sur le début de la vie : la CADH précise en effet que le droit à la vie est protégé « en général à partir de la conception » : il faut cependant noter que les rédacteurs ont été prudents puisqu’ils ont précisé que cette protection était la règle, mais qu’il pouvait y avoir des exceptions ; par ailleurs, le fait que la peine de mort soit prohibée pour les femmes enceintes peut aussi témoigner de ce que l’enfant à naître est titulaire sinon du droit à la vie au moins de certaines prérogatives : c’est en effet, en raison de la personnalité des peines que l’on ne peut se résoudre à appliquer la sentence capitale à une femme enceinte.
Seul un texte prévoit des droits pour la personne une fois qu’elle est morte : il s’agit de la déclaration islamique.
QUE NOUS APPREND LA JURISPRUDENCE SUR CE POINT ?
L’avortement : affaire Boso c. Italie : requête irrecevable : étant donné que l’IVG a été fait dans les délais légaux, donc en l’espèce le droit à la vie n’était pas applicable.
Selon plusieurs juristes, qui se basent sur l’arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis, affaire Roe c. Wade, de 1973, la protection légale du fœtus à la vie dépend commence à partir du moment où le fœtus peut survivre en dehors du ventre de sa mère : c’est-à-dire après les 3 premiers mois de grossesse. Toute atteinte au fœtus avant cette date n’est donc pas pénalement répréhensible, et pas incompatible avec le devoir de protéger le droit à la vie. Au-delà de cette période, on peut faire valoir vraisemblablement le droit à la vie du fœtus et le mettre en balance avec d’autres intérêts tels que les droits de la mère à la vie, la santé et la vie privée.
La protection de l’enfant à naître : affaire Vo c. France : la France n’a pas violé son obligation de protéger la vie : le début de la vie dépend de l’appréciation souveraine des Etats, n’est pas du ressort de la Cour. Cependant, une protection de l’enfant à naître doit être prévue, au nom de la dignité humaine : cela ne nécessite pas forcément une protection pénale : en l’espèce un recours administratif était ouvert à la mère, qui avait de grandes chances de succès.
La bioéthique : le Conseil de l’Europe fait figure de pionnier en la matière. En 1997, le Comité des Ministres a adopté la Convention pour la protection des droits de ‘homme et de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine (Oviedo). Elle réaffirme le principe du consentement libre et éclairé pour toute intervention dans le domaine de la santé (art. 5), une intervention ayant pour objectif de modifier le génome humain ne peut être entreprise que pour des raisons préventives, diagnostiques ou thérapeutiques et pas si elle n’a pas pour but d’introduire une modification dans le génome de la descendance (art. 13), le corps humain et ses parties ne doit pas être source de profits (art. 21). Un protocole additionnel à cette Convention a été adopté en 1998, et interdit le clonage, et un autre protocole a été adopté en 2002, relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine.
La question de la peine de mort
Le droit, instrument flexible et vivant, a connu une évolution, s’adaptant aux mutations de la société à laquelle il est destiné. Nous adopterons une approche chronologique des textes juridiques pertinents en la matière. Si les textes originaires reconnaissent la peine de mort comme une exception encadrée au droit à la vie (I), les Protocoles additionnels sont venus inverser la tendance et consacrer l’abolition de la peine de mort (II).
I. La peine de mort reconnue comme exception au droit à la vie dans les textes « originaires » :
La peine de mort est une exception au principe selon lequel la mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement. Elle est prévue dans tous les textes protecteurs des droits de l’homme à l’exception de la Déclaration islamique universelle des droits de l'homme et de la Charte africaine des DH et des peuples.
Le texte le plus protecteur en la matière est la Convention interaméricaine relative aux droits de l’homme : c’est elle qui donne le plus de garanties relativement au prononcé et à l’exécution de la peine de mort.
A. Les exigences de la Convention EDH
La Convention européenne pose deux conditions à la seconde phrase du §1 de l’article 2, précisées également par les autres textes protecteurs (art. 6, al. 2 PIDCP, art. 4, al. 2 CADH, art. 6 charte arabe) :
Le principe de légalité des délits et des peines En latin, il s’agit du principe nullum crimen, nulla poene sine lege. Ce principe suppose que l’infraction soit clairement définie dans la loi, c’est-à-dire que l’individu doit pouvoir savoir, à partir de la loi en question, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale, et le cas échéant quelle peine il encourt. Ce principe impose une interprétation stricte de la loi pénale : toute interprétation par analogie est prohibée en matière pénale.
Par ex. : si une loi dispose que les rédacteurs en chef d’un journal sont passibles d’une peine d’emprisonnement pour atteinte à l’intégrité de l’Etat, cette loi ne pourra être interprété de manière analogique pour prononcer une peine d’emprisonnement à l’égard des éditeurs du journal.
Il s’agit d’assurer une protection effective contre les poursuites, condamnations, et sanctions arbitraires. Enfin, il faut savoir que le principe de légalité des délits et des peines a pour corollaire le principe de non-rétroactivité de la loi pénale.
La décision doit être prononcée par un tribunal. Un tribunal se caractérise au plan matériel par sa fonction juridictionnelle càd « trancher, sur la base de normes de droit et à l’issue d’une procédure organisée, toute question relevant de sa compétence ». Ainsi, le tribunal n’est pas nécessairement une juridiction de type classique et reçoit une acception autonome, selon la Cour Européenne. Ainsi, la Cour a-t-elle pu considérer par exemple, que le Conseil des marchés financiers était un « tribunal ». Au contraire, une autorité politique ne fait pas figure de tribunal.
Les autres textes précisent que le tribunal doit être compétent (art. 6 al. 2 PIDCP, art. 4 al. 2 CADH, art. 6 Charte arabe)
B. Les autres garanties prévues par la CADH, PIDCP et Charte arabe des DH :
Les garanties procédurales :
* Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale : cf. « une sentence de mort ne peut être prononcée que (…) conformément à la législation en vigueur au moment où le crime a été commis » (art. 6, §2 PIDCP et art.4 al. 2 de la CADH, art. 6 Charte arabe). La Cour applique ce principe lorsque la loi postérieure à la commission du crime est plus sévère pour l’accusé que la loi en vigueur au moment de la commission du crime. Au contraire, la loi pénale plus douce peut (et non doit = ce n’est pas automatique) être appliquée rétroactivement.
* Le jugement doit être définitif et prononcé par un tribunal compétent (art. 6 al. 2 PIDCP, art. 6 Charte arabe, art. 4 al. 2 CADH.)
Les droits du condamné à mort : la CADH et le PIDCP précisent que le condamné à mort a le droit de solliciter la grâce (mesure de clémence par laquelle le P.R. en vertu de l’article 17 de la Constitution soustrait en tout ou partie un condamné à l’exécution de sa peine (remise de peine) ou substitue à cette peine une peine plus douce (commutation)) ou la commutation de la peine (modalité de grâce consistant à substituer une peine à une autre plus douce ; dans ce cas elle n’est pas forcément prononcée par une autorité politique, peut l’être par un tribunal) (art. 4 al. 4 PIDCP, art. 4 al. 6 CADH). La Charte arabe précise quant à elle que le condamné a le droit de solliciter la grâce ou l’allègement de sa peine, ce qui s’apparente à la commutation de la peine (cf. art. 6 Charte arabe). La CADH précis de plus que le condamné peut solliciter l’amnistie (mesure qui ôte rétroactivement à certains faits commis à une période déterminée leur caractère délictueux (ces faits seront réputés avoir été licite et non pas ne pas avoir eu lieu) qui est obligatoirement décidée par le législateur (art. 34 al 5 Constitution), et qu’il ne peut être exécuté tant que sa demande sera pendante devant l’autorité compétente (art. 4 al. 6 CADH).
Restrictions du champ d’application de la peine de mort :
La peine de mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves (cf. art. 6 §2 PIDCP et art. 4 §2 de la CADH, art. 6 Charte arabe).
Elle ne peut être prononcée pour des crimes commis par des mineurs de moins de 18 ans (art. 6 §5 PIDCP et art. 4 §5 CADH, art. 7a Charte arabe, mais elle précise « sauf disposition contraire de la législation en vigueur au moment de l'infraction », ce qui réduit considérablement la portée de cette limitation), la CADH ajoute une limite d’âge maximum de 70 ans (idem). Enfin, la peine de mort ne peut être appliquée aux femmes enceintes (art. 6 §5 PIDCP et art. 4§5 CADH) => en vertu du principe de personnalité de la peine : on considère que l’enfant à naître n’a pas à être puni du crime commis par sa mère. Notez que la Charte arabe est plus protectrice sur un point : elle précise que la peine de mort ne peut être appliquée à des femmes enceintes ou d’une mère qui allaite, pendant deux années après l’accouchement ; l’intérêt du nourrisson prime (art 7b).
Enfin, la CADH ajoute qu’elle ne peut pas être infligée pour des délits politiques ou des crimes de droit commun connexes à ces délits (art. 4 al. 4).
Particularité de la CADH : à son art. 4 al. 3, elle entrave tout retour en arrière : une fois la peine de mort abolie, il est impossible de la rétablir. Ce cas de figure arrive cependant assez rarement. Depuis 1985, seuls quatre pays abolitionnistes ont rétabli la peine capitale. L'un, le Népal, l'a de nouveau abolie depuis. Un autre pays, les Philippines, a repris les exécutions, mais les a interrompues depuis lors. Dans les deux autres pays (la Gambie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée), aucun condamné à mort n'a été exécuté.
II. La consécration de la tendance abolitionniste par les protocoles additionnels :
Au moment où les instruments internationaux relatifs à la protection des dh ont été rédigés, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, la peine de mort était encore appliquée dans de nombreux pays : c’est pour quoi cette exception a été prévue. Aujourd’hui les choses ont changé :on situe de plus en plus dans une tendance abolitionniste, surtout en Europe et en Amérique latine, car les arguments qui jouent en sa faveur sont nettement contestés.
A titre indicatif les arguments pour la peine de mort sont les suivants :
Elle a un effet dissuasif : c’est faux, rien n’a été prouvé dans ce sens : une enquête sur les liens de cause à effet entre peine capitale et taux d'homicides, menée pour les Nations Unies en 1988 et mise à jour en 2002 se conclut en ces termes : “... il n’est pas prudent d’accréditer l’hypothèse selon laquelle la peine capitale aurait un effet légèrement plus dissuasif en matière de criminalité que la menace et l’application de la peine, censément moins sévère, de réclusion à perpétuité.”
Elle permet de châtier à sa juste valeur le criminel et de rendre justice aux victimes : cela est contesté par le fait que la justice moderne vise actuellement à la rééducation et à la réinsertion sociale des délinquants
Elle permet de limiter les recours et la réforme de l’habeas corpus : c’est aussi un risque extrêmement élevé de commettre une erreur judiciaire et d’exécuter des innocents n’ayant pas bénéficié des meilleurs défenseurs (Depuis 1973, 117 condamnés à mort aux États-Unis ont été remis en liberté après que la preuve de leur innocence eut été apportée, de plus cette sentence est souvent prononcée à l’encontre de personnes de couleur aux Etats-Unis)
C’est une exception explicite au droit à la vie : elle doit être aujourd’hui regardée comme une peine cruelle, inhumaine et dégradante (un condamné passe parfois 10 ans dans le couloir de la mort dans l’attente d’être exécuté, du reste certaines méthodes d’exécution sont extrêmement douloureuses cf. la chaise électrique)
Si l’abolition de la peine de mort en temps de paix a été reprise par toutes les normes de protection des droits de l’homme (A), l’abolition totale et définitive de la peine de mort en toutes circonstances, et donc, même en temps de guerre reste une particularité européenne (B).
A. L’abolition totale de la peine de mort en temps de paix
Les protocoles additionnels aux textes protecteurs des droits de l’homme ont consacré la tendance abolitionniste générale. Ils ont aboli la peine de mort, mais seulement en temps de paix. Il en va ainsi du Protocole 6 à la CEDH du 28 avril 1983 (entré en vigueur le 1er mars 1985), du protocole 2 au PIDCP du 15 décembre 1989 (ev : 11 juillet 1991, seuls 54 Etats l’ont ratifiés parmi lesquels prédominent les Etats européens et latino américains) et du protocole à la CADH du 8 juin 1990 (ev : 28 août 1991, mais pour l’instant, seuls 8 Etats l’ont ratifié (Brésil, Costa Rica, Equateur, Nicaragua, Panama, Paraguay, Uruguay et Vénézuela). Reste que des Etats puissants tels que la Chine ou les Etats Unis, ou encore de nombreux Etats islamiques non seulement continuent à appliquer la sentence capitale, mais en plus s’opposent farouchement à son abolition.
Au niveau européen, l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a considéré à plusieurs reprises que l’engagement de devenir partie au Protocole 6 à la CEDH était de plus en plus une condition d’adhésion à l’Organisation qui était non négociable. Les Etats parties au Protocole ne peuvent donc plus se prévaloir de l’article 2 §1 de la Convention. A ce jour, cette partie de l’article 2 n’aurait d’intérêt que pour un seul Etat qui n’a pas encore ratifié le Protocole 6 : il s’agit de la Russie.
B. L’abolition totale de la peine de mort en toutes circonstances : le cas du protocole 13 à la CEDH.
Le Protocole 13 à la CEDH a été adopté le 2 mai 2002, et est entré en vigueur le 1er juillet 2003.
L’entrée en vigueur de ce protocole constitue l’aboutissement des efforts menés au sein du Conseil de l’Europe pour éradiquer du continent européen la peine de mort.
Le protocole 13 est unique en son genre puisqu’il n’a d’égal au niveau universel ou régional : le protocole abolit la peine de mort en toutes circonstances, y compris pour les actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre, et ne souffre d’aucune dérogation au titre de l’article 15 de la CEDH. Le contenu et la forme du protocole 13 sont une réplique du protocole 6, à l’exception de l’article 2, qui ne réserve pas le cas de la période de guerre, contrairement au protocole 6.
L’article 1 du protocole 6 et 13 dispose « la peine de mort est abolie. Nul ne peut être condamné à une telle peine ni être exécuté ». Se trouve donc ici affirmé un véritable droit subjectif, que les individus relevant de la juridiction des Etats parties pourront faire valoir devant les juridictions nationales et la Cour européenne.
En conclusion, bien qu’avec le Protocole 13 le Conseil de l’Europe fasse figure de véritable pionnier, il n’en reste pas moins que certaines questions subsistent :
1.Le texte a une portée limitée, puisque l’article 4 contient une clause permettant aux Etats de désigner les territoires auxquels le protocole s’appliquera. Ainsi, le protocole ne prohibe pas la peine de mort de manière absolue, puisqu’un Etat peut choisir d’exclure du champ d’application du protocole 13 un territoire sur lequel la peine de mort en temps de guerre continuera de s’appliquer. Il en va ainsi, par exemple, du Danemark qui a exclu du champ d’application du protocole 13 le Groenland et les Iles Féroé.
2.L’article 5 du Protocole affirme le caractère additionnel des dispositions du protocole.
III. L’apport de la jurisprudence :
Par une jurisprudence constructive, la Cour a contribué à l’abolition progressive de la peine de mort. Sa jurisprudence a connu une évolution : d’abord limitée dans sa marge de manœuvre, elle a utilisé des « armes de substitution » pour protéger le droit à la vie des individus face à la peine de mort, puis va s’en prendre directement à la peine de mort elle même.
La Cour européenne considère que la Convention est un instrument vivant à interpréter à la lumière des conditions de vie actuelles, sans pour autant pouvoir être influencée par les normes communément acceptées de la politique pénale des Etats membres du Conseil de l’Europe dans ce domaine. La Cour a cependant dû composer avec le décalage entre les normes conventionnelles qu’elle doit appliquer et la réalité abolitionniste du continent européen.
A. La question de la légitimité de la peine de mort :
La Convention européenne n’interdisant pas pleinement l’imposition de la peine de mort, la Cour a jugé dans son arrêt de principe Soering c. R.U., du 7 juillet 1989, que si la peine de mort n’était pas per se une peine inhumaine ou dégradante, contraire à l’article 3 de la CEDH, « les circonstances entourant une sentence capitale » pouvaient, elles, constituer un traitement inhumain. Il en va par exemple ainsi du syndrome du couloir de la mort, compte tenu de l’âge et de l’état mental de l’individu, des caractéristiques et de la durée de la détention dans le couloir de la mort. Dans l’affaire Soering, la Cour a cependant pas remis en cause la légitimité de la peine de mort : elle a précisé « s’il faut interpréter l’article 2 comme autorisant la peine de mort nonobstant l’abolition presque complète de celle-ci en Europe, on ne saurait affirmer que l’article 3 inclut une interdiction générale de la peine de mort, car le libellé clair de l’article 2§1 s’en trouverait réduit à néant ». Donc dans un premier temps, le juge de Strasbourg a considéré la peine de mort compatible avec la Convention, sans exclure qu’une pratique ultérieure des Etats sous la forme d’une abolition généralisée pourrait témoigner de l’accord des Etats pour abroger l’exception ménagée par l’article 2§1.
Par suite du succès du Protocole 6 et de l’édiction en une condition d’adhésion au Conseil de l’Europe, la Cour a fini par considérer qu’il y avait un accord des Etats contractants pour abroger ou du moins, modifier , la 2eme phrase de l’article 2§1, et une convergence de tous ces éléments permettaient de dire que la peine de mort en temps de paix en est venue à être considérée comme une forme de sanction inacceptable qui n’est plus autorisée par l’article 2 » ( affaire Bader et al. c. Suède, 8 nov. 2005). Dans l’affaire Ocalan c. Turquie (12 mai 2005), la Cour aurait pu saisir cette occasion pour dire une fois pour toutes que l’infliction de la peine de mort était un traitement prohibé par l’article 3, mais la Cour s’est contentée de relever qu’il serait contraire à la Convention, même si l’article 2 de celle-ci devait être interprété comme autorisant toujours la peine de mort, d’exécuter une telle peine à l’issue d’un procès inéquitable ». La Cour a justifié sa position par le fait que les Etats ne peuvent considérer l’exécution de la peine de mort comme un traitement inhumain et dégradant compte tenu que l’article 3 n’admet aucune dérogation, même en temps de guerre ». On peut néanmoins se demander si la question n’est pas susceptible d’évoluer étant donné qu’à l’heure actuelle, 40 Etats sur 47 ont ratifié le Protocole 13.
Ainsi, pour conclure, la peine de mort est une sanction qui, en temps de paix, n’est plus autorisée par l’article 2. Elle n’est cependant pas en soi contraire à l’article 3. Elle peut être contraire à cet article si la manière dont elle est prononcée ou appliquée conduisent à l’analyser en un traitement prohibé par celui-ci, par exemple, au terme d’un procès inéquitable, si la peine de mort est prononcée de manière arbitraire, ou encore en raison de circonstances qui entourent le prononcé de la peine de mort (syndrome du couloir de la mort). Cette position est justifiée par le fait de l’importance du droit à la vie et par le fait qu’il s’agit d’une sentence irréversible, qui demande donc un soin tout particulier à ce que la procédure entourant le prononcé de la peine soit exemplaire.
B. Un attachement particulier à la régularité de l’infliction de la peine de mort :
C’est la manière dont la peine de mort est prononcée ou appliquée qui est susceptible de la faire tomber sous le coup de l’interdiction de la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Prononcer une telle peine de façon arbitraire équivaut à soumettre injustement la personne concernée à la crainte d’être exécutée.
Dans l’affaire Ocalan, les 3 ans d’angoisse entre l’arrêt confirmatif de la Cour de cassation et l’arrêt de commutation de la peine de la Cour de sûreté de l’Etat, le fait que la peine de mort ait été prononcé par un tribunal manquant d’impartialité et d’indépendance et la violation des droits de la défense, reviennent à considérer que le prononcé de cette peine a été un traitement inhumain. Les garanties du prononcé de la peine de mort sont d’autant plus importantes qu’il s’agit d’une peine irréversible.
La Cour a, en revanche, engagé la responsabilité d’un Etat partie au Protocole 6 s’il extradait un individu vers un pays qui risquait de le condamner à la sentence capitale et/ou de l’exécuter (cf. décision Nivette c. France du 14 décembre 2000), ou encore si l’individu éloigné pouvait être lapidé pour adultère (affaire Jabari c. Turquie, 11 juillet 2000).
Le comité des droits de l’homme a également jugé dans l’affaire Ng c. Canada, en 1993, que l’extradition d’un individu vers les Etats-Unis (Californie) constituait un traitement inhumain au sens de l’article 7 du PIDCP, car la méthode utilisée consistait en l’asphyxie au gaz, ce qui était contraire au Pacte.
Dans l’affaire Judge c. Canada, le CDH a encore été plus loin puisqu’il a décidé que le Canada en tant qu’Etat partie qui a aboli la peine de mort, malgré le fait qu’il n’ait pas encore ratifié le 2ème protocole facultatif se rapportant au PIDCP, visant à abolir la peine de mort, a commis une violation du droit à la vie en expulsant un individu vers les Etats-Unis alors qu’il était sous le coup d’une condamnation à mort, sans demander l’assurance qu’il ne soit pas exécuté.
Enfin la Cour suprême des Etats-Unis a jugé le 1er mars 2005 que l’application de la peine de mort à un mineur au moment des faits était inconstitutionnelle.
Quelles sont les obligations de l’Etat ?
I. L’usage de la force légale ne doit pas être excessif
Il faut appliquer un critère de nécessité plus impérieux que celui qui détermine si l’ingérence de l’Etat dans un droit est nécessaire dans une société démocratique (par ex. en ce qui concerne l’ingérence de l’Etat dans la vie privée et familiale d’un individu).
A. Le recours à la force doit répondre à l’une des hypothèses énoncées au §2 de l’art. 2 , au a, b et c.
Par ex. ce critère est rempli lorsqu’il s’agit de prévenir d’importantes pertes en vies humaines du fait d’un attentat terroriste (comme dans Mc Cann c. R-U.). Ou encore lorsqu’il s’agit de réprimer une émeute dans une maison d’arrêt.
Pas rempli lorsqu’il s’agit d’éviter un flot important de fugitifs d’un Etat à un autre (comme après l’édification du mur de Berlin séparant la RFA de la RDA : avaient été mis en place des dispositifs de mines anti-personnelles, ou encore de tirs automatiques)
B. La force employée doit être strictement proportionnée au but poursuivi.
En d’autres termes l’usage de la force ne doit pas être excessif. La proportionnalité s’apprécie au regard du but recherché, du danger pour les vies humaines et l’intégrité corporelle et, enfin, la possibilité que la violence provoque des victimes.
Ex. : Le recours à la force doit se fonder sur « une conviction honnête considérée pour de bonnes raisons, comme valables à l’époque des évènements, mais qui se révèle ensuite erronée ». Dans l’affaire Mc Cann, les militaires croyaient en effet à tort que les terroristes étaient en train d’actionner un détonateur de bombe.
Contre ex. : le recours à la force n’est pas absolument nécessaire lorsque le coup de feu fatal est tiré alors que la personne qui a tenté de s’enfuir est déjà neutralisée et blessée à la suite de précédents tirs.
C. Enfin, les autorités doivent respecter un principe de précaution : tout doit être fait pour épargner les vies innocentes. Le juge contrôle à la fois les actes de préparation et le contrôle de l’opération meurtrière.
Dans l’affaire Mc Cann ce ne fut pas le cas : la Cour a considéré que le fait de laisser entrer les suspects sur le territoire de Gibraltar, ou de considérer comme absolument certaines les informations dont ils disposaient et enfin le recours automatique à la force meurtrière n’ont pas respecté le principe de précaution nécessaire à l’emploi de la force.
II. L’obligation procédurale de mener une enquête effective :
Cette obligation trouve son fondement dans la combinaison de l’art. 2 §1 (1ère phrase) avec le devoir général inscrit dans l’article 1er de la CEDH.
Champ d’application :
- en cas de mort d’une personne ou de disparition dans des circonstances où on peut penser qu’il y avait un risque pour sa vie (cf. CAKICI).
- cette obligation s’impose à l’Etat à la fois si la mort est due à des agents de l’Etat (comme dans l’affaire Mc Cann) mais aussi si elle est due à d’autres personnes (affaire TANRIKULU).
Caractères de l’enquête voir TANRIKULU, VELIKOVA ou encore CAKICI :
- impartiale, complète, approfondie et publique (cf Edwards),
- elle doit avoir pour finalité d’identifier et de punir les responsables
- l’Etat doit y consacrer un temps raisonnable, effectuer divers actes d’investigation (autopsie, photos etc.) et recueillir la plainte de la victime dans un délai suffisant.
III. L’obligation de préservation de la vie:
L’Etat, en vertu de la première phrase de l’art. 2 §1, a l’obligation de préserver la vie de toute personne relevant de sa juridiction.
Cela s’applique tout d’abord aux personnes privées de liberté :
L’Etat viole son obligation positive de préserver la vie lorsqu’une personne arrêtée et détenue par la police disparaît ensuite. (CAKICI) La Cour considère qu’en l’absence d’explications plausibles fournies par les autorités, il est établi que la victime est décédée à la suite de sa GAV.
Il en va de même lorsque le détenu meurt des suites de ses blessures infligées au cours de sa GAV (VELIKOVA)
L’Etat doit par ailleurs, également, protéger la santé des personnes privées de liberté : des soins médicaux devront être dispensés aux détenus afin d’éviter une issue fatale (ANGUELOVA c. Bulgarie , 2002), cela implique également la nécessité de prévenir le suicide des détenus (affaire TANRIBILIR c. Turquie, 2002 ou encore KEENAN c. RU), ou de prendre des mesures adéquates afin que ne soit pas mise en péril la vie du détenu (EDWARDS c. RU).
L’obligation de préserver la vie joue également dans le cadre des relations interindividuelles :
L’Etat doit prendre des mesures concrètes afin de protéger l’individu dont la vie est menacée de manière certaine et immédiate par les agissements criminels d’autrui. Cette obligation est relative, comme celle de prévenir le suicide des détenus, et suppose la réunion de 3 conditions pour que la responsabilité de l’Etat soit engagée :
- l’existence d’un risque certain et immédiat pour la vie
- le fait que les autorités aient ou auraient du avoir connaissance de l’existence de ce risque
- et enfin l’absence de mesures que l’on pouvait attendre raisonnablement des autorités pour empêcher la matérialisation de ce risque.
Ex EDWARDS
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